« Français, langue d’adoption » est une série podcast en quatre épisodes que j’ai créée et réalisée pour la Médiathèque Elsa-Triolet&Aragon de la ville d’Argenteuil, une commune francilienne du Val d’Oise. Caroline Avignon, une super bibliothécaire qui anime un atelier hebdomadaire de français parlé pour les personnes étrangères qui veulent progresser en français, avait envie de dynamiser les séances et surtout encourager la prise de parole. Elle a fait appel à moi parce que le podcast lui semblait un bon outil pour favoriser l’expression orale des participants. Et elle a eu bien raison !… Je vous explique comment j’ai travaillé, étape par étape, à ce podcast en lien avec Caroline, ses collègues médiathécaires, une bénévole et avec les participants eux-mêmes. De l’expression de besoin au montage, en passant par l’enregistrement, je vous raconte l’histoire de cette création audio originale.
Le podcast, une occasion pour oser prendre la parole
Dans l’atelier de français parlé animé par Caroline, bibliothécaire à Argenteuil, et Christiane, une bénévole qui œuvre depuis longtemps dans des associations qui aident les étrangers à s’intégrer, notamment par la langue, on rencontre des personnes venues des quatre coins du monde, avec des histoires singulières et des profils très variés. Leur point commun : leur volonté de progresser en français. De Mustapha, le jeune Ivorien, qui rêve de devenir footballer professionnel dans un club européen jusqu’à Julie, la Brésilienne diplômée en logistique, en passant par Fatima, la maman sportive venue du Maghreb, passionnée de poésie, tous n’ont pas la même aisance en français. Certains sont réservés, d’autres plus expansifs… L’objectif de Caroline était d’utiliser le podcast comme outil facilitateur de la prise de parole.
La prise de contact pour le projet de podcast a eu lieu à la rentrée 2023 et mon devis a été accepté à l’automne par la mairie dont dépend la médiathèque, au titre des actions culturelles proposées par la ville à ses administrés. Le podcast est de plus en plus souvent utilisé certes comme un bon moyen de communication et de promotion des actions d’une collectivité, mais aussi comme un outil de diffusion des projets culturels.
Réfléchir à l’orientation du podcast avant d’enregistrer
Dès le mois de novembre, je me suis mise au travail pour ce projet car avant de procéder à la phase d’enregistrement, le podcast exige une préparation en amont, pour imaginer une structure ou au moins une direction. En préparant ensemble les séances d’enregistrement pendant les ateliers, la bibliothécaire et moi avons imaginé différents moyens de faire parler les participants, même les plus timides ou ceux dont le niveau de français était encore rudimentaire. Réflexion autour de mots de la langue française et d’expressions idiomatiques, lecture d’un extrait d’un livre du fonds « Français facile » de la médiathèque, partage d’un texte dans la langue maternelle avec une traduction… Plusieurs pistes ont été évoquées. Tout cela a fait l’objet d’échanges autour d’un café ou par courriel.
J’avais des idées, bien sûr, mais je me devais surtout d’être à l’écoute des besoins de Caroline. Après tout, c’était elle la commanditaire du podcast et surtout, elle connaissait bien les personnes qui fréquentaient son atelier. On peut parfois avoir des idées toutes faites sur ce qui conviendrait de faire pour un nouveau podcast, a fortiori si on a eu l’occasion de travailler sur les thématiques abordées, ce qui était mon cas puisque j’ai participé il y a quelques années au développement de politiques publiques pour l’intégration des étrangers, notamment à travers l’apprentissage du français. C’est certes un atout mais aussi un risque : on peut avoir des idées préconçues sur ce qu’il conviendrait de faire et se limiter dans sa créativité. Or je propose d’accompagner les associations, les entreprises ou les institutions culturelles dans la création de podcast originaux, autrement dit le contenu ne doit ressembler à aucun autre. Ce n’est qu’en étant à l’écoute des besoins exprimés et les singularités du projet que je peux proposer un contenu sur-mesure.
Les (bonnes) surprises des enregistrements du podcast
Je rencontre les participants à l’atelier de français parlé juste avant Noël pour faire connaissance avec eux et leur présenter le projet. Je suis accueillie à la fois avec curiosité et avec le sourire ! Certains se montrent enthousiastes, d’autres ne semblent pas forcément comment tout cela va fonctionner mais l’essentiel est là : ils savent qu’ils vont parler au micro et qu’il y aura un enregistrement qu’ils pourront partager sur YouTube ou Facebook. Nous avons prévu de nous voir une fois par mois pendant quatre mois, toujours le premier mardi du mois. La régularité des rencontres à date fixe pour faire les enregistrements facilite l’organisation des enregistrements.
J’arrive donc avec mon micro, mon casque et mon enregistreur Zoom en janvier 2024 et je retrouve des personnes que j’ai croisées avant les fêtes de fin d’année et des nouveaux aussi. Il y a environ une douzaine de participants, assis dans une grande salle, en arc de cercle. Des bruits de fond nous parviennent car, même si la médiathèque est fermée au public, les bibliothécaires s’affairent à d’autres tâches. Je me dis que j’ai bien fait de m’équiper d’un micro qui capte bien la voix qui parle juste devant, ça évitera d’avoir un enregistrements avec des bruits parasites. La qualité d’un podcast tient aussi de la qualité du son… logique pour un contenu audio, non ?
Parmi ceux qui viennent pour la première fois, il y a trois jeunes hommes venus de Côte d’Ivoire qui ont été orientés par la Croix Rouge vers la médiathèque. Tout de suite l’un d’eux raconte son parcours rocambolesque depuis son pays natal jusqu’en Tunisie puis en Italie et en Suisse avant de rejoindre un ami à Marseille et de remonter jusqu’en région parisienne.
Comme je ne m’attendais pas à cette longue confidence que je ne voulais surtout pas interrompre, j’ai activé l’enregistrement de loin. Heureusement, j’ai un bon micro et au montage, j’ai pu améliorer la qualité du son. Après cette première (belle) surprise, j’ai été plus vigilante : dès que quelqu’un parlait, je m’approchais pour bien capter le son, quitte à demander à reprendre une phrase ou un mot. Mieux vaut pouvoir sélectionner au montage en ayant le choix que de s’acharner à rendre audible ce qui ne l’est pas vraiment. L’oreille se fatigue aisément à l’écoute d’un audio de qualité dégradée. Si en tant que créateur de podcast, écouter un passage vous réclame un effort, dites-vous que votre auditeur ne se donnera pas forcément la peine de tendre l’oreille. Il faut veiller au confort d’écoute d’un contenu audio : le fond doit être servi par la forme.
La créativité, entre planification et improvisation
Nous pensions organiser des lectures et des temps de préparation individuels ou en petit groupe mais finalement, rien ne s’est vraiment passé comme prévu ! Après la première prise de parole assez personnelle, il y en a eu d’autres, souvent très émouvantes. C’était un contenu précieux pour le podcast parce que ces histoires intimes avaient quelque chose d’universel qui peut provoquer une émotion chez les auditeurs. J’ai très vite eu envie de garder et mettre en valeur le côté humain de cette expérience de podcast. Il y avait une cohésion dans le groupe et les confidences qui ont surgi à l’occasion des enregistrements l’ont un peu plus renforcée.
Néanmoins, pour les participants fraîchement arrivés en France, pas évident de parler… Ils en avaient envie mais les mots leur manquaient. Alors, Christiane, la bénévole, a apporté des livres et des images qui ont servi de support pour une lecture ou une description simple. Enregistrer trente à cinquante secondes peut être largement suffisant dans ce contexte. À ce stade du projet, j’imaginais déjà qu’il y aurait quatre épisodes distincts dans cette série podcast et compte tenu du nombre de participants, il fallait privilégier des interventions courtes pour que tout le monde ait la parole. J’ai vite compris que chacun tenait à pouvoir s’entendre une fois le projet finalisé. Quand je démarrais une nouvelle séance, nous commencions toujours par une écoute de quelques extraits sonores du précédent atelier et ils étaient fiers de pouvoir écouter leur voix et leurs mots.
Une action culturelle a été menée en parallèle par la médiathèque : Lisa Dumas, une autre bibliothécaire, a organisé la visite d’une exposition consacrée aux Jeux Olympiques dans un site de la ville d’Argenteuil. Cet événement auquel les participants de l’atelier ont été conviés nous a servi de base pour échanger autour du sport et des pratiques sportives. Enregistrer une séance qui intègre du mime n’était pas chose facile (il y a mieux comme support audio) mais c’était très drôle !
Avant de procéder au montage, j’ai organisé la structure de chaque épisode et j’ai écrit les passages de voix off avant de les enregistrer. Produire un podcast, c’est aussi écrire !
Le montage, l’étape la plus longue du podcast
Avec le temps, j’ai appris à être plus efficace dans les prises de son et les enregistrements parce que pour le montage, ça facilite grandement le travail ! Pour une heure de prise de son, je travaille environ quatre heures. Le fameux travail invisible… que j’explique toujours au client pour qu’il comprenne les tarifs. Le montage est pour moi une étape passionnante mais qui peut se révéler très chronophage.
Pour m’éviter de me noyer dans des heures d’écoute, je nettoie chaque enregistrement juste après la prise de son. J’ai encore en tête ce qui s’est dit et en particulier les moments forts. Je fais déjà une première sélection des extraits sonores les plus pertinents. Je résume dans une courte note les principales informations (qui parle, le contenu, comment je pourrais l’exploiter). C’est plus stimulant quand on arrive à l’étape finale de montage.
Je fais aussi au fur et à mesure des recherches d’habillage sonore : des musiques (libres de droits et avec autorisation de diffusion, en gardant bien les références précises pour les crédits à citer) et des bruitages, avec ce site vraiment utile ! J’adore ce travail de mise en valeur de ce qui a été enregistré : l’habillage sonore donne de l’épaisseur, du relief aux mots. Il permet de créer une ambiance et de donner du rythme. Les génériques de début et de fin participent grandement à l’identité du podcast. L’habillage audio, dans l’idéal, ne devrait pas se contenter d’illustrer le contenu. Il doit mettre en lumière certains propos et renforcer l’atmosphère qui dominait le moment de l’enregistrement. Et attention à bien respecter les droits d’auteur !
La diffusion du podcast
Pour ce projet de podcast, la médiathèque a choisi de diffuser les quatre épisodes de « Français, langue d’adoption » sur sa chaîne YouTube. Je vous invite à découvrir ce qui pour moi est bien plus qu’un simple podcast ou outil de communication : une belle aventure humaine.
(Merci à la Médiathèque d’Argenteuil pour sa confiance… Et merci aux participants de l’atelier de français parlé qui ont décidé par votre du titre de leur podcast !)